Rik Mayall – Hommage à l’artiste généreux et génie comique

Rik Mayall - Hommage à l'artiste généreux et génie comique

Il y a parfois des phénomènes curieux. Des artistes qu’on aime, que l’on suit avec intérêt et dont on loue le travail. Et il y a les autres. Enfin l’autre. Rik Mayall je l’ai découvert via une interview (ci-dessous). Rik Mayall, auteur, acteur et comédien y parlait de son dernier projet, Believe Nothing. Il m’a suffit de moins de 30 secondes pour subir ce que j’appelle un coup de foudre artistique pour un comédien qui semble, malgré l’écran, qu’il nous parle, nous taquine directement. Celui qui vous prend la main en vous disant « Viens on va faire les cons ». Rik a l’enthousiasme de l’artiste et du gamin et communique son plaisir de jouer les connards même après 20 ans passés à creuser cette partition. Il se marre à l’évocation de ses 1ers souvenirs avec Adrian Edmondson, se marre à l’évocation de son grave accident et se marre de ce qui nourrit sa comédie.

Rik s’est construit une carrière cohérente par ce que motivé par un même crédo. Chacun doit être libre de devenir qui il veut, de faire ce qu’il veut. De proposer ce qu’il veut, de travailler comme il veut. Sa quête comique n’est rien d’autre que cette illustration. Il parle de son art avec passion, sans arrogance en évoquant lui et les autres. Divertir et faire rire c’est également transporter le public, comme il l’explique dès 1982 peu importe que vous soyez drôle ou non il y a selon lui le plaisir simple d’emmener les spectateurs ailleurs le temps d’une représentation. Les comédies de Rik procurent ce sentiment incroyable d’apaisement et de partage. Il tente dès ses débuts à 18 ans de se façonner un art de la comédie sur mesure fait d’innovation et de longues collaborations pour près de 40 ans de performance.

« I maybe gloriously stupid but if it helps people to forget the grimness of life then I’m happy. »

Rik Mayall 1987
1987 (dr)

Adolescent sous Thatcher

Richard Mayall est né le 7 mars 1958. Ses parents sont professeurs de théâtre. C’est un enfant hyperactif cherchant sans cesse l’attention. Son père, un homme très drôle, est son 1er modèle. Lors d’une chorale à l’école l’institutrice lui interdit de chanter, il gesticule et grimace devant une salle hilare, sa vocation est née. Il débute très tôt comme son frère et ses soeurs dans les pièces de ses parents. En 1975 il débarque à l’université de Manchester pour y étudier l’art dramatique. Rik est sagement assis dans l’amphi dans l’attente du 1er cours de théâtre, en garçon bien élevé il se lève à l’entrée du professeur. Dans la salle un rire retentit, celui d’Adrian Edmondson un garçon rebelle, cheveux longs, cigarette au bec et pieds posés sur le bureau il impressionne Rik. Dès cet instant il est convaincu d’avoir trouvé son partenaire de jeu. Ensemble ils participent à la troupe d’improvisation de la fac, 20th Century Coyote un nom qu’ils garderont une fois le duo lancé. Rik se rêve d’abord en acteur, il prend la voie de la comédie en observant la scène contestataire très politisée où l’expérimentation à pris le pas sur l’humour.

Adrian Edmondson et Rik Mayall 1977
Adrian à gauche et Rik à droite 1977 (dr)

En 1978 il effectue une tournée de 6 mois aux Etats-Unis avec une pièce dramatique. Son retour en Angleterre marque les débuts du duo Rik et Adrian d’abord sous le nom de 20th Century Coyote puis The Dangerous Brothers. Tout est déjà très clair pour nos deux auteurs et comédiens qui dès lors se construisent un style qui les accompagnera pour les 40 prochaines années. Ils jouent leur 1ère création Death On The Toilet en 1979 au festival d’Edimbourg. La nuit Rik traîne dans un club de poètes dits révolutionnaires. Les textes sont si mauvais et pompeux qu’il en recopie quelques uns pour les lire sur scène devant un public qui ne sait s’il doit se moquer. Faussement intellectuel et agressif le Poète du Peuple, (P)Rick, est né. Les débuts sont bien sûr compliqués, une autre création The Wart, est vue par 20 spectateurs en 10 jours de représentation ce qui n’empêche pas Rik d’être repéré par le critique du Sunday Times le qualifiant de « jeune hystérique très talentueux ».

Rik Mayall en tournée aux Etats-Unis en 1978
1978 tournée aux Etats-Unis (dr)

Pionnier  de la comédie alternative « anarcho-surréaliste »

De 79 à 80 il dort chez un ami à Londres à même le sol. Il continue de se produire chaque samedi soir sous les traits de l’étudiant poète au Comedy Store tout juste ouvert où chacun peut tenter sa chance sur une scène au sous-sol devant un public particulièrement difficile. Là se prépare une petite révolution. La comédie alternative est la réaction à l’humour dit grand public particulièrement sexiste et raciste. Ces nouveaux comédiens s’acharnent à démonter les fondements de cette comédie sans risque qui s’adresse à la même portion aisée du public pour parler enfin aux jeunes. Dans la vidéo ci-dessous vous trouverez les bases de cet humour brutal faisant appel autant au physique du comédien qu’à sa complicité avec le public.

En 1980 Peter Richardson, ancien du Comedy Store, fonde sa propre scène dans un club de strip-tease The Comic Strip au Raymond Revue Bar. Il emmène avec lui son complice Nigel Planer avec qui il forme The Outer Limits et les 20th Century Coyote auxquels s’ajoutent Jennifer Saunders et Dawn French. S’y greffent Alexei Sayle, Keith Allen… Ce n’est pas vraiment une troupe plutôt un cabaret. Chaque duo écrit et joue ses propres textes. L’adresse se fait rapidement un nom et après une tournée aux Etats-Unis Richardson entre en contact avec la futur Channel 4. La chaîne désire marquer le coup pour sa 1ère soirée avec un programme au ton et au format novateur. The Comic Strip Presents est diffusé pour la 1ère fois le 2 novembre 1982 au format inédit du moyen-métrage de 30 à 55 minutes. Richardson prend les rênes de cette nouvelle aventure en ayant un oeil sur tout le processus de l’écriture à la réalisation. Cette fois les membres du Comic Strip collaborent ensemble.

The Comic Strip - Peter Richardson, Dawn French, Nigel Planer, Alexei Sayle, Adrian Edmondson, Rik Mayall, Jennifer Saunders et Arnold Brown (Trevor Rogers)
The Comic Strip – Peter Richardson, Dawn French, Nigel Planer, Alexei Sayle, Adrian Edmondson, Rik, Jennifer Saunders et Arnold Brown (Trevor Rogers)

En 1980 et 81 1ères apparitions solos à la télévision. Après une expérience passée inaperçue Rik fait ses 1ères apparitions remarquées sous les traits de Mitch le féministe et Kevin Turvey le journaliste d’investigation. Pour ses débuts Rik veut provoquer la confusion chez le téléspectateur. Ses personnages sont volontairement grotesques et réalistes, son nom est absent du générique, il aime à disparaître derrière ses personnages. Il vit alors un entre-deux où il peut encore jouer avec le public tout en étant reconnu comme un jeune talent prometteur.

Rik Mayall tient la couverture du magazine NME

“The basis of any brilliant comedy is insanity. You have to get the feeling that anything can happen.”

Triomphe sur triomphe pendant 20 ans

En janvier 1981 c’est dans un pub qu’il commence l’écriture de The Young Ones avec sa compagne de l’époque Lise Mayer. Très vite il contacte Petit Ben Elton, un fantastique auteur rencontré dans un couloir de la fac où il tentait d’échapper à Adrian qui a l’habitude d’emmerder les 1ères années. Le script est très influencé par leur expérience de la vie étudiante. The Young Ones est basé sur un véritable groupe de coloc’ bordélique :Neil le hippie, Mike le Mec Cool, Vyvyan le punk violent et (P)Rick le People’s Poet. Regardée par 6 millions de spectateurs la série est littéralement un choc pour le public anglais et les enfants en particulier. Avec ces cris, ces coups et ces références politiques The Young Ones amène un ton inédit. Il est difficile évidemment de mesurer le bouleversement culturel et sociétal d’un programme mais les témoignages des professionnels et du public en général vont dans ce sens. A seulement 23 et 24 ans le trio fait basculer la télévision dans une nouvelle ère. Le succès est tel qu’il éclipse The Comic Strip Presents tout aussi novateur dont la diffusion débute une semaine avant. Malgré tout les auteurs considèrent avoir fait le tour du sujet avec 2 saisons de 6 épisodes. Rik considère la comédie comme un véritable travail, il découvre avec The Young Ones ses inconvénients : la notoriété, les interviews… Lui qui aime tant déstabiliser le public par des personnages dont on ne sait s’ils sont réels ou fictifs ne peut plus se cacher derrière ses créations. Loin d’abandonner l’idée il décide de répliquer par la construction Du Rik personnage public et double arrogant.

En 1983, 85 et 89 Ben Elton co-auteur avec Richard Curtis de Blackadder offre à Rik le rôle de Mad Gerald (non-crédité) et celui du fascinant voleur de scène Lord Flashheart. Aussi doué que séduisant il déboule comme une tornade de charisme et capte l’attention à la barbe de comédiens pourtant excellents comme Rowan Atkinson, Stephen Fry, Hugh Laurie et Miranda Richardson. Rik et Ade reviennent avec les Dangerous Brothers  Adrian et Richard Dangerous pour une série de sketchs dans l’émission Saturday Night Live en 1985, l’occasion de développer leur version du slapstick violent. L’année suivante Filthy Rich & Catflap marque la 3ème et dernière collaboration avec Ben Elton. Réunissant Rik (Gertrude Richie Rich), Adrian (Edward Didgeridoo Catflap) et Nigel Planer (Ralph Filthy) elle met en scène un acteur raté et vaniteux opprimé par son agent véreux et son garde du corps idiot. Schéma classique où Rik et Adrian explorent des personnages violents et égoïstes. Le résultat est une version affinée de la comédie violente développée au Saturday Night Live. En 1986 il narre avec brio le récit La Potion Magique de Georges Bouillon pour l’émission Jackanory et de 1989 à 1991 des contes pour Grim Tales.

The New Statesman débarque sur les écrans en 1987. Satire féroce et cruelle des conservateurs et des politiques anglais, elle reste à ce jour une des séries politiques les plus osées. Rik Mayall y campe Alan B’Stard un Tory sans scrupules capable de tout pour un peu de cash. Presque une commande pour le comédien qui désire montrer ce dont il est capable. Le public et les critiques découvrent, étonnés, un bon acteur et homme séduisant. La série est un immense succès autant d’audience que d’estime. B’Stard devient pour la presse un terme générique pour désigner un politique impliqué dans une affaire de moeurs. En 1991 arrive enfin l’apothéose. Bottom la grande aventure du slapstik violent atteint ici la perfection. Le résultat d’une symbiose absolue et l’exploitation parfaite du don que possèdent ces deux génies. La série ressemble à un cartoon où les deux meilleurs amis campent les colocataires Edward ‘Eddie’ Elizabeth Hitler et Richard ‘Richie’ Richard qui ne se supportent pas et se foutent sur la gueule à longueur de journée. Sous ses dehors bruts elle regorge de minutie où chaque plan est préparé et chorégraphié. Rik Mayall atteint l’alliance parfaite entre la souplesse et l’énergie, lui le comique au naturel ravageur offre le meilleur de lui-même.

Rik Mayall et Adrian Edmondson : deux génies, deux meilleurs amis, deux gamins (1999)
Deux génies, deux meilleurs amis, deux gamins (1999)

En 1993 la 1ère adaptation scénique de Bottom enchaîne plus de 40 dates à guichets fermés. Cette année-là ITV propose à Rik de célébrer son talent avec 3 téléfilms, 3 autres seront diffusés en 1995. Rik Mayall Presents est une collection éclectique où Rik révèle des facettes insoupçonnées de son jeu en père paumé ou présentateur de télévision parano. Bottom la série se termine en 1995, quatre autres pièces continueront à remplir les théâtres. Cette même année est diffusé How to be a little Sod ou comment devenir un bébé tyrannique. Rik assure naturellement la voix de la petite terreur. En 1991 il tourne dans sa plus grosse production cinématographique Drop Dead Fred, un Disney américain. Il y incarne l’ami imaginaire d’une jeune femme (Phoebe Coates) qui fait irruption dans sa vie d’adulte suite à une rupture et un licenciement. Irrévérencieux et énergique, Rik interprète un héros peu conventionnel du cinéma pour enfants unanimement détesté par la presse. Retrouvez l’article de ma chère Tina sur son blog Tinalakiller, une chronique juste qui rend un hommage mérité à ce pauvre Fred. Seul ombre au tableau la pièce Cell Mates. L’équilibre de cette oeuvre repose sur la complicité entre les acteurs principaux. Il fait équipe avec son ami Stephen Fry. Celui-ci souffre d’une grave dépression et après une semaine de représentation quitte brusquement le pays pour se réfugier à Belgique. Une expérience épouvantable pour Rik qui sort chaque soir en larmes du théâtre.

Lauréat d'un British Comedy Awards du meilleur acteur pour Rik Mayall Presents en 1993 avec Richard Wilson, Jennifer Saunders et Joanna Lumley (dr)
Lauréat d’un British Comedy Awards du meilleur acteur pour Rik Mayall Presents en 1993, avec Richard Wilson, Jennifer Saunders et Joanna Lumley (dr)

Une deuxième partie de carrière au service des débutants et indépendants

En 1998 alors que tout se passait à merveille Rik a un terrible accident de Quad. Chez lui. Dans son champ. Considéré comme mort, les médecins sont sur le point de stopper les machines quand après 5 jours de coma il se réveille. Victime d’une fracture de la boîte crânienne et d’une double hémorragies il s’en sort miraculeusement et retourne travailler après 6 mois de rééducation. Rik en a bien profité, le temps des tournages où il finissait à l’hôpital est bien loin. Il apparait désormais plus apaisé avec un je ne sais quoi de tendresse dans le regard. Il ne veut en aucun cas abandonner son travail et parvient à trouver un équilibre pour se consacrer à sa famille. Doubleur très actif c’est par un programme d’animation, Jellikins, qu’il revient à l’écran. En 2001 retour sur scène avec la 4ème pièce Bottom : An arse oddity, version remaniée d’une nouvelle saison présentée et rejetée par la BBC car jugée trop violente. En 2003 Rik apprend via une interview d’Adrian la fin de Bottom. Ce dernier se juge trop vieux pour ce rôle et évoque les difficultés de collaborer avec Rik. Si physiquement l’accident de Quad n’a pas laissé de graves séquelles, sa mémoire en souffre. Un trouble qui ne saurait justifier à lui seul ce tournant radical. Quand pendant 20 ans Rik fut au centre de 4 programmes cultes, la suite n’est pas à la hauteur de l’homme. Pourtant il n’a pas tant changé, certes il perd un peu de son énergie d’année en année mais son talent est intact. Les professionnels sont sûrement plus durs à convaincre, après 20 ans de métier ils se tournent vers les nouveaux et Rik est profondément associé à la comédie anarchique qu’il ne peut plus incarner physiquement. Si sa couverture médiatique décroit son aura n’a pas évolué. Son public est fidèle, ses amis toujours prêts à lui écrire un rôle et il reste un artiste respecté. Autant par nécessité que par choix sa carrière s’oriente désormais vers le doublage, les pubs et les petites productions. Il use sa notoriété pour aider au financement des projets de débutants et des petits budgets : Oh Marbella, Evil Calls : The Raven, One by One…

Rik Mayall
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En 1999 il tourne Guest House Paradiso le film « Bottom » écrit à l’hôpital. Un an plus tard il assure le doublage du jeu-vidéo Hogs of War et en 2001 la voix de Peeves le poltergeist dans le 1er film Harry Potter, il est malheureusement coupé au montage. Heureusement ses amis et créateurs du New Statesman Maurice Gran et Laurence Marks lui proposent en 2003 le rôle principal dans leur nouvelle sitcom Believe Nothing, le dernier grand et bon rôle de Rik. Plus apaisé et très charmeur sous les traits d’Adonis Cnut, un brillant universitaire il préside à la destinée du monde avec une poignée d’élus. Au final une simple comédie, réussie certes, qui repose principalement sur de bonnes répliques et l’alchimie entre les 3 acteurs principaux. Peter Richardson retrouve son ami en 2004 pour co-écrire et jouer un petit rôle dans Churchill : The Hollywood Year. Ce cher Winston est trop gros et trop vieux Christian Slater est appelé à la rescousse pour interpréter le fils du 1er ministre sous les traits d’un GI américain quand ce dernier est renommé Roy Bubbles, manoeuvre indispensable pour s’adapter au public américain. La parodie est une parfaite observation de ces blockbusters manichéens délivrant stéréotypes et incohérences avec un casting de second rôle réunissant une belle partie de la comédie brit. En 2005 il publie sa fausse autobiographie en personnage intitulée Bigger than Hitler Better than Christ, un concentré d’auto-satisfaction et de vulgarité. Toujours la même année il incarne George dans All About George, une trop sympathique sitcom d’1 saison qui se voulait subversive mais souffre d’une écriture faible. Il revient au théâtre l’année suivant sous les traits d’Alan B’Stard en artisan du New Labour. Un retour qui fait parler jusqu’à la chambre des députés où un membre demande à Tony Blair son avis sur l’adhésion de B’Stard au Labour. Il présente enfin Violent Nation, un documentaire sur l’histoire de la violence en Grande-Bretagne (regardez cet idiot mettre un coup de boule à un mannequin d’entraînement à 34’30).

Rik Et Adrian Edmondson les inséprables
Rik et Ade les inséparables ❤

Un don exceptionnel, un style unique et un homme généreux

Le style Mayall c’est une énergie et une souplesse sans commune mesure avec nous autres terriens. Un style qui semble tout droit sorti d’un cartoon. Son visage élastique est modulable à l’infini, parfait pour les grimaces et son corps souple est prêt à recevoir tous les coups. La comédie est un exutoire où il jette et déforme ses défauts. Il prend sur lui les pires penchants et les malaxent jusqu’à l’absurde. Ça, la vulgarité et ses milliers de Knob Gags. Par peur et pour s’en éloigner il joue de sa vanité et s’invente une arrogance qu’il n’a pas. Il est conscient de son talent mais refuse de s’autoproclamer meilleur comédien, lui qui aime rappeler combien ses collaborateurs ont œuvré pour lui. Il est toujours déroutant et délicieux de découvrir Rik en interview. En plus d’être un exercice qu’il apprécie peu il nous apparait si différent et pourtant si familier. Puisqu’il ne peut plus se cacher derrière ses créations et pour protéger l’homme et sa vie privée il s’invente une sorte de double négatif : Dr. The Rik Fucking Mayall – Pan Global Phenomenon. Vous ne saurez pas grand chose de l’homme, vous en apprendrez en revanche sur le comique, l’artiste et l’acteur. Il discute avec passion et honnêteté de son métier. Avare sur sa femme et ses 3 enfants il s’autorise en revanche des blagues sur son grave accident de Quad.

Rik Mayall being Rik Mayall
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Les anglais utilisent l’expression de Comedy Hero pour ces comédiens exceptionnels qui apportent plus que du rire. Rik transpire de générosité. Il déploie une énergie phénoménale sur scène et à l’écran. Il entretient un lien particulier avec ses fans, lui qui sourit même aux paparazzis, s’arrête pour serrer la main d’un admirateur, prend le temps de discuter à la sortie du théâtre et répond en personnage aux mails de ses fans comme lorsqu’on lui demande de l’aide pour écrire un discours en l’honneur de jeunes mariés (photo ci-dessous). Vous trouverez pas mal de photos et de vidéos de rencontres, très accessible il accepte volontiers de se glisser dans la peau de ses personnages pour le plaisir d’un inconnu. Mieux encore comme cette vidéo hilarante de 30 secondes où Rik s’aperçoit qu’il est filmé à son insu et s’en amuse.

Il a conscience dès ses débuts des limites et dérives que la scène alternative offre. Il accompagne un mouvement qui s’adresse enfin aux jeunes et évite la figure traditionnelle du comique de la classe moyenne. Il aime plaisanter en se décrivant comme un socialiste radical et féministe convaincu quand ses rôles sont tout sauf des étendards, le pire pour lui serait de prendre le message au sérieux. Il s’élève contre l’arrogance des élites, le mépris des Tories, la dérive du New Labour. Il s’est engagé une seule fois contre l’adoption de l’euro par le Royaume-Uni, son apparition déguisé en Hitler est très largement critiquée. Rik ne cache pas qu’il a accepté cette apparition par ce qu’il rêvait de jouer le dictateur. Il n’a jamais adhéré à un parti mais ne s’est jamais éloigné des préceptes forgés pendant l’adolescence et résumés par son discours lors de la réception de son doctorat d’honneur de l’université d‘Exeter.

Rik letter

Rik passe 40 ans à construire le même personnage et vous pensez peut-être à un de ces humoristes fainéants dont nous avons ici l’habitude. Le fait est que toutes ces déclinaisons ne sont que le résultat d’un travail permanent. Avec Ade Rik n’a eu de cesse de perfectionner un personnage capable de coller parfaitement à son hystérie. Il lui suffit d’apparaître, de lancer un regard à la caméra pour faire rire. Rik est une évidence. Chaque rôle est une nuance peaufinée du précédent, suffisamment modifiée pour ne pas être une énième version paresseuse. Influencé par les Monty Python, John Cleese, Tati et Spike Milligan, Les vacances de Monsieur Hulot est son film favori d’où l’importance des décors et des détails dans son travail. Il sait à quel point le narrateur est important même si l’histoire est faible. Il refuse d’ailleurs l’étiquette d’humoriste et a horreur des artistes qui prennent à partie le public pour l’insulter en pleine performance. Il sait aussi quand s’arrêter et ne profite jamais d’un succès par paresse ou gourmandise. Son influence se fait ressentir très tôt chez Simon Pegg, Edgard Wright, Noel Fielding, David Walliams et Matt Lucas. Pour son surréalisme, son anarchisme et sa vulgarité The Young Ones a ouvert une brêche pour les programmes absurdes et crades comme le Mighty Boosh, Reeves and Mortimer ou encore Little Britain. Rik Mayall est lui-même l’expression pure de la comédie et de la subversion, quand les enfants se pressaient devant le poste les parents et les grand-parents désapprouvaient. Rik est un personnage majeur de la culture britannique qui n’aura le droit qu’à deux British Comedy Awards, maigres récompenses pour un homme devenu une légende vivante de la comédie.

« Five mantras to carry with you through your life. These are mine :

1- All men are equal, therefore no one can ever be your genuine superior

2- Your future is bright as you make it

3- Change is a constant of life so you must never ever loose your wisdom

4- If you want to live a complete and full human life you have to be free

5- Love is the answer

Bon voyage ! »

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« Why are the kids crying ? »

En 2011 Rik évoque l’hymne écrit pour l’équipe de foot d’Angleterre dans une interview devenue un sketch culte. Adrian et Rik se réunissent une dernière fois le temps dun petit sketch mémorable pour Comic Relief, Ade magnifique en tutu sur le Lac des cygnes et Rik avec sa fidèle poêle à frire. L’année suivante il co-écrit et interprète The Last Hurrah l’histoire d’un vieux bonhomme de neige aigri. Preuve en est qu’il n’a rien perdu de son mordant. En 2013 c’est l’effervescence. Eddie et Richie reviennent ! Ade et Rik ont déjà terminé le script du 1er épisode et la BBC commande une nouvelle saison de Bottom, intitulée « Hooligan’s Island ». Rik est particulièrement excité, Bottom est une formule qui n’a pas vieilli et semble toujours les inspirer. Sauf qu’Ade finit par abandonner juste après avoir reçu l’aval des producteurs. Il avoue ne plus être enthousiaste par le projet en soi, lui dont la carrière est orientée vers le drame et les documentaires. Pour Rik c’est un coup très dur. Son envie de jouer les sales gosses, même à 55 ans ne l’a jamais quitté. Ce nouveau projet était une grande attente, et s’il admet comprendre Ade il a du mal à accepter le refus d’un ami de 38 ans.  Ade en est pourtant sûr la formule est bonne il suffit d’attendre un peu et de revenir plus vieux, pour lui l’idéal serait de relancer le projet dans 10 ans. Heureusement le comédien Greg Davies, un admirateur dont le physique et la voix ont souvent été comparés à son modèle, l’engage pour jouer son père dans sa série Man Down. Rik y est délicieux, tordu et un poil pervers, un régal !

Rik Mayall avec Greg Davies sur le tournage de Man Down, 2013
Avec Greg Davies sur le tournage de Man Down, 2013 (dr)

Alors on ne se doute de rien. Vous pensez un tel concentré d’énergie et d’insouciance au service d’un don exceptionnel s’est fait pour nous accompagner toute la vie, quand on a envie de tout casser ou de tout oublier. Ce putain de lundi 9 juin 2014 est arrivé ce à quoi personne ne s’attendait malgré une sérieuse 1ère alerte. Nous les sales gosses perdions le grand frère, le pote, le modèle, le comedy hero. Qui aurait pu imaginer que 56 ans était un âge pour mourir. Rik a beaucoup donné, son coeur n’avait plus l’ambition de son propriétaire. Cette étincelle de malice, son dévouement envers son public, son immense énergie entièrement dévouée à faire rire, à taper sur les puissants arrogants ne sont plus. Les adieux du public sont emprunts d’une tendresse teintée d’irrévérence. Sa mort est un choc qui fera la une de tous les quotidiens. Rik avait un profond respect pour son public et ce dernier l’avait bien compris. Le lien fort qui unissait et unit toujours Rik à ses fans, c’est (P)Rick qui en parle le mieux et ce en 1982.

This house will become a shrine, and punks, and skins and rastas will all gather round and hold their hands in sorrow for their fallen leader. And all the grown-ups will say « But why are the kids crying ? » And the kids will say « Haven’t you heard ? Rik is dead ! People’s poet is Dead »

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C’est ce lien fusionnel qui m’a d’abord étonnée et poussée à en savoir plus sur lui. Il y avait de la magie en Rik, comme lors des interviews, et cette étincelle dans le regard comme s’il plaisantait pour vous et rien que pour vous. Découvrir son travail m’a plongée dans un état paradoxal. Celui de me laisser emporter par sa force comique. Celui qui m’a rappelé mes premiers souvenirs devant Laurel & Hardy ou Chaplin. Celui de la fascination où j’ai passé la moitié du visionnage à revenir en arrière et découper chaque scène quasiment image par image. Celui où on ne se soucit plus de rien que de rire, de ce rire pur et brutal. Et vient la mélancolie. Ma passion pour lui survenue après sa mort a teinté cette rétrospective de mélancolie, quand on ne peut s’empêcher de songer à l’immense gâchis. Alors impossible de finir cet article sans la formule consacrée :

Rip You Magnificient Bastard  ❤

Rik Mayall au British Comedy Award en 2011 (Wenn)
British Comedy Award en 2011 (Wenn)

Love & Violence

 

Sources : Rik-Mayall.com le site, le facebook et twitter. Les compte youtube RikMayallFanPage et RikMayallScrapbook. Le Tumblr Rik Mayall Interviews and Articles Archive. Le site et le forum du British Comedy Guide.

Article sur le blog de Tinalakiller sur Drop Dead Fred.


6 réflexions sur “Rik Mayall – Hommage à l’artiste généreux et génie comique

  1. Tu as fait de beaux hommages (et surtout dans ce long article !) à Rik Mayall que je ne connaissais pas mais que je découvre avec toi (et mort trop jeune lui aussi…).

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    1. Merci ! C’était un type fabuleux alors j’ai tenté d’être à la hauteur de l’hommage qu’il mérite. Si au moins c’est une (belle ?) découverte pour toi alors je suis contente d’avoir pu transmettre un peu de mon coup de coeur. Malheureusement, comme trop souvent cette année, il avait changé certes mais avait encore beaucoup à offrir…

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