Dis-moi média

Qui n’a jamais rêvé de découvrir les coulisses du service politique d’un quotidien de référence ? De la conférence de rédaction au live tweet d’un meeting, Yves Jeuland filme, au coeur du Monde, le processus de l’information, de sa recherche à l’édito qu’elle inspirera.

Le documentaire navigue entre le côté quasiment artisanal du reporter sur le terrain jusqu’au moment délicat où le journal se décide ou non à prendre position. Ce n’est pas un choix anodin que d’avoir filmé la conception d’un journal pendant la campagne présidentielle de 2012. Elle permet de mieux comprendre comment se décide le positionnement d’un journal, qui aura le dernier mot et qui tente et peut se faire entendre malgré la hiérarchie des postes.

Choix de rendre compte en instantané d’un événement, choix de l’illustration, choix de l’angle tout est matière à débat. Faut-il se plier aux exigences du consommateur et céder à la mode de l’immédiateté qu’implique les réseaux sociaux ? Les journalistes se questionnent tant d’un point de vue professionnel et humain sur leur capacité et la légitimité de s’adapter ou non à une nouvelle façon de rendre l’information, non sans quelques craintes quand à la qualité du traitement qu’une telle urgence implique. Un moment hallucinant et finalement assez drôle survient lorsque Michel Rocard fait un AVC. Panique à la rédaction, si sa mort survient à 10h il sera trop tard pour le bouclage !

Il est intéressant de voir des journalistes en connexion avec les mutations en cours dans la profession. Loin d’être des moutons à la recherche du meilleur moyen de vendre plus de papier, ils s’interrogent constamment sur les missions et limites de leur profession. C’est louable de voir des professionnels à part entière et pas seulement des plumes isolées chacune dans un box. En revanche le documentaire met en lumière une facette du Monde qui me laisse souvent un goût amer à la lecture du quotidien. La politique et sa couverture seraient revêtue d’une certaine noblesse au point de voir certains employés témoigner d’un mépris envers des thèmes plus sociétaux. Pour moi le quotidien (et non le magazine) du Monde déshumanise trop l’information à coup de grands noms et de grands chiffres au détriment de l’humain. Lors d’une réunion Arnaud Leparmentier fait part de sa désapprobation, voire même du choc qu’il a ressenti en voyant en une un titre sur la hausse de la consommation de cannabis. Pour lui cela relève de la presse sensationnelle. Or la consommation de cannabis est une façon d’appréhender la vie quotidienne, ses échappatoires et par extension le mal-être grandissant. Et en toute honnêteté je préfère lire ça que d’avoir un énième compte-rendu de réunion ou de discours politique. En lisant l’excellent magazine du Monde, j’ai trouvé une citation très juste d’un ancien rédacteur, Bruno Frappat : « Au Monde, j’ai appris que les lecteurs doivent mériter leur journal ». Les employés du Monde sont au service d’une institution, ils en sont bien conscients. Trop peut-être.

Merci à Bazart pour cette heureuse découverte même si je déplore comme lui que le choix ce soit porté sur le service politique. Un service déjà omniprésent dans le quotidien et sur le site internet quand d’autres domaines mériteraient aussi notre intérêt.