
Garth Marenghi (Matthew Holness) est un auteur frustré. Trop radicales, audacieuses et provocatrices ses oeuvres n’ont pas trouvé le public qu’elles méritent. La série Garth Marenghi’s Darkplace adapte certaines de ses nouvelles au format de 6 épisodes de 25 minutes. L’action raconte le quotidien du personnel du Darkplace Hospital construit sur les portes de l’Enfer et en proie à des évènements surnaturels que seuls 3 docteurs et le directeur peuvent arrêter. Le héros Dr Rick Dagless est joué par Garth Marenghi lui-même et son éditeur Dean Learner (Richard Ayoade) incarne le directeur de l’établissement Thornton Reed. Tournée dans les années 80 la série est vue comme trop puissante pour être diffusée, la chaîne se montre soudainement frileuse et annule sa diffusion. Un éclair de lucidité si l’on prend le temps de la regarder. En dépit des efforts de l’auteur pour nous convaincre le résultat est incroyable tant il excelle dans la médiocrité. Pourtant 20 ans après sa production la série est enfin montrée au grand public et Garth Marenghi voit enfin son heure de gloire arrivée. Ainsi chaque épisode est introduit par le maître et des interviews de l’auteur ainsi que de ses camarades de jeu ponctuent le visionnage.
Cette série a droit à un petit culte chez les amateurs de comédie britannique. A sa diffusion en 2004 les audiences ne décollent pas en raison d’un horaire tardif, de redoutables concurrents et d’un manque de communication de la part de la chaîne. Cette série fut d’abord un spectacle monté par Matthew Holness et Richard Ayoade, jeune duo d’inconnus formés à à l’université, lauréate du prix le plus convoité pour un comédien anglais le Perrier Award,. Si ils sont 2 sur scène le passage à la télévision est l’occasion d’étoffer le casting avec l’arrivée d’Alice Lowe dans le rôle de l’actrice Madeleine Wool incarnant le Dr Liz Asher et Matt Berry dans la peau de Todd Rivers interprète du Dr Lucien Sanchez. Ainsi c’est une nouvelle génération de comédiens qui débutent ici. Si Matthew Holness se tournera principalement vers l’écriture, Alice Lowe, Matt Berry et Richard Ayoade se sont imposés dans cet univers. Il s’agit d’ailleurs du tout premier rôle de Matt Berry qui s’imposera plus tard comme une figure montante de la comédie. On y retrouve également de futurs talents dans de petits rôles comme Stephen Merchant, Graham Linehan, Julian Barratt et Noel Fielding. Au delà du casting fabuleux c’est bien la richesse de l’univers proposé, son écriture et l’intelligence de la parodie qui en font une oeuvre culte.
Garth Marenghi’s Darkplace est aussi original que parodique. Les deux ressorts humoristiques majeurs sont la mégalomanie d’un auteur médiocre et le condensé de nanardise. A mes yeux la parodie est un exercice plus complexe qu’une simple exagération. Le but est de rire des travers du genre,ici la science fiction et la télévision des années 80, avec une reconstitution riche et une inventivité qui permet aux spectateurs d’identifier l’oeuvre tout en apportant une touche familière. Plus de 10 ans plus tard la série n’a rien perdu de son humour, le travail minutieux des créateurs en font une oeuvre singulière qui a très bien vieilli. Tous les aspects sont traités avec soin : les stéréotypes des personnages, l’absence de recul des acteurs sur leurs performances, la post-synchronisation foirée du dr Lucien Sanchez, les faux-raccords, la subtilité des effets spéciaux, les regards caméra, les figurants peu impliqués, les monstres, l’héroïsme de Dagless, la niaiserie… Loin d’être une récitation indigeste tout ces élèments s’imbriquent pour former un univers solide. Les trouvailles s’accumulent à l’écran sans submerger le spectateur. Le risque étant de laisser son esprit disserter sur la dernière référence et perdre le fil de l’épisode. Mais l’écriture est suffisamment cohérente intelligente pour que l’on puisse tout apprécier sans nous perdre dans cet imaginaire.
Ainsi les décors et les monstres manquent cruellement de soin, le gore démesuré donne un vernis absurde et ridicule à l’action. Le montage est savoureux avec ses erreurs de raccord. Le jeu des acteurs et des figurants est d’une nullité jouissive. L’action est accueillie par des visages impassibles. Le héros accepte les défis avec habitude. Le dr Sanchez affiche son éternel nonchalance de séducteur et Liz Asher est la femme forcément cruche et inutile. Reste l’immense Dean Learner, je n’ai jamais vu un homme jouer aussi mal. Sa raideur et ses regards suppliants vers la caméra sont hilarants. Incapable d’être naturel, il récite son texte sans tenir compte de son articulation et du sens. Pour les amateurs de comédie britannique le talent de Richard Ayoade n’est plus un secret mais ce qu’il déploit ici est une leçon. Son personnage joue terriblement mal et avec beaucoup de soin. Pareil pour la réalisation on sent l’importance portée à chaque instant, chaque détail, c’est à peine si une respiration est autorisée. Matthew Holness porte avec brio les convictions d’un homme pathétique et la caricature du héros télé que l’on a envie de baffer. Alice Lowe est une lumière sans bulbe. D’une beauté éclatante elle se révèle au pire maléfique au mieux reconnaissante envers les hommes la rabaissant. Et Matt Berry, qui n’avait jamais joué avant, endosse le costume d’un séducteur beaucoup trop détendu pour un hôpital infesté de créatures menaçantes. Une étiquette qui le poursuivra pour les 13 prochaines années, lui qui n’a jamais émis le souhait de se lancer un jour dans la comédie…
Ecrit par Matthew Holness et Richard Ayoade. Réalisé par Richard Ayoade. 1 saison de 6 épisodes de 25 minutes. 2004. Disponible sur Youtube.
Une série que JE VEUX voir ! Tellement du mal à trouver ne serait-ce des sous-titres histoire de ne rater aucune vanne !
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