The Trip (BBC) – Du génie tout simplement

The Trip - Steve Coogan et Rob Brydon
Steve Coogan et Rob Brydon (dr)

Le magazine l’Observer demande à Steve Coogan et sa compagne de chroniquer les grandes tables du nord de l’Angleterre et d’Italie pour une série d’articles vantant l’art culinaire et les poètes anglais. Pour des raisons professionnelles et sentimentales Steve se retrouve seul et contacte à la dernière minute son collègue et ami Rob Brydon. Ensemble ils découvriront de magnifiques paysages, les demeures de Byron et Coleridge et la compétition permanente à qui sera meilleur que l’autre. Malgré des années de collaboration ils se supportent tant bien que mal et la bataille d’égo se termine souvent sur une bataille d’imitations de Michael Caine. Hommes flirtant avec la crise de la quarantaine, amis, comédiens et gamins se sont autant d’univers qui s’affrontent à travers leur bêtises improvisées sur les vagues directions et l’oeil attentif de Michael Winterbottom. Happée dès les 1ères minutes cette série est un pur chef-d’oeuvre de drôlerie, de simplicité ayant en même temps tant à dire.

Une courte présentation de Rob Brydon et Steve Coogan

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(dr)

The Trip peut ressembler à une curieuse comédie au 1er abord. Deux types dans un concours de quéquettes permanent à qui sortira la meilleure imitation ou la meilleure voix off. Hilarante de bout en bout, derrière chaque gag se dessine également un affrontement entre deux mondes symbolisés par Rob Brydon et Steve Coogan. Même si ces deux là ne sont pas eux-mêmes à 100 % ils interprètent une version exagérée d’eux-mêmes, basée sur une image publique que je vous présente ici. Rob Brydon est  un comédien, auteur et animateur très populaire. Il anime le meilleur panel show en cours de diffusion, Would I lie to you, et après des débuts dans des sitcoms à l’humour grinçant (Human Remains) il connait la célébrité via la sitcom familiale Gavin and Stacey. Réputé sympathique, Rob est un bon client et lié aux programmes dits « grand public ». Père de famille nombreuse sa vie privée est calme et protégée de l’exposition médiatique. Steve Coogan est l’enfant prodige de la comédie britannique ayant connu rapidement un succès d’audience et d’estime. Auteur et comédien au CV tv impeccable il crée des personnages n’ayant pas conscience de l’image qu’ils renvoient et prend un immense plaisir à manipuler le réel et instaurer un certain inconfort. Passionné par la figure du ringard qu’il explore depuis ses débuts sur scène il est surtout connu pour Alan Partridge, animateur raté, sans recul sur lui-même et au fameux gimmick ‘A-ha’. Cible adorée par les magazines people, ses problèmes de drogue et ses histoires de cul font régulièrement la une. Respecté par la profession Steve se moque de son image et qu’il soit vu par certain comme un complete twat. Autant vous dire que le propos est jouissif si vous savez à qui vous avez affaire. Inutile de fouiller la carrière de nos deux génies pour voir The Trip, je vous conseille de jeter un oeil à un épisode de Would I lie to you et au moins un épisode de Knowing Me, Knowing You ou I’m Alan Partridge.  En revanche ne pas maîtriser les nombreuses références et imitations employées n’est en rien un frein au rire. Vous entendrez souvent parler des comédiens britanniques légendaires Ronnie Corbett, Peter Cook et Dudley Moore, le scénariste, auteur et acteur Alan Bennett et les animateurs Terry Wogan, Michael Parkinson et David Frost.

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Steve découvre le kumquat

Rob : « Come come Mr Bond you derive as much pleasure from saying kumquat as I do.

          Come Quat ! »

Amis, collègues et adversaires

Rob chante bien Steve Boude. Rob est reconnu Steve est vexé. Une maison d’édition a commandé l’autobiographie de Rob Steve hallucine. La célébrité de Rob lui vaut un passe-droit Steve est colère. Rob fait son fameux ‘Small man in a box’ Steve fait la moue. Steve fait un excellent Michael Caine. Steve reçoit les compliments de Rob pour son Peter Sellers. Steve fait de la musique en tapant sur sa gorge Rob est fasciné. Steve peut faire bouger ses oreilles indépendamment Rob est perplexe. Vous avez beau être en présence de deux immenses comédiens et improvisateurs leur relation va vous sembler des plus familières. Car derrière des vies et des carrières à faire pâlir d’envie n’importe quel aspirant comédien la jalousie et la compétition a souvent des allures de cour de récré. Pourtant on sent poindre le poids de leur passé et de leur situation actuelle dans chacune des piques et ce même derrière l’insatiable envie de Rob d’imiter Alan Bennett et Anthony Hopkins quand Steve étale une incroyable panoplie de talents inutiles. Il est intéressant de noter la trajectoire de nos deux compères avant et après la seconde série et son impact à l’écran. En 2010 Steve n’a certes plus rien à prouver mais après 2 décennies jalonnées d’immenses succès ses apparitions télévisées n’ont plus autant d’impact et il tente toujours de se faire un nom dans le cinéma d’auteur par de petits rôles dans des blockbusters. A l’inverse Rob, dont Steve a lancé la carrière en tant que producteur, vit le chemin inverse en s’imposant comme une valeur sûre du service public avec des divertissements et un one-man show qui cartonnent. Dans la 1ère saison Steve se barricade de sérieux en se décrivant comme un comédien exigeant, partage ses déjeuners avec beaucoup d’agacement et d’ironie quand Rob, trop léger à son goût, se marre trop et profite de chaque instant. En 2014, pour la 2ème saison en Italie, rien n’a changé pour Rob en revanche Steve vit une période excitante avec le succès du film Alan Partridge et la sortie du projet qui lui tient tant à coeur Philomena. Rob prend l’ascendant et se découvre séducteur, Steve se détend, il est heureux et rit souvent de bon coeur aux impros de Rob. Une évolution notable mais qui n’entache pas la dynamique et le comique de la série.

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Scène coupée :

Rob : [Imite Scooby-doo]

Steve : « Good evening this is the 10 o’clock news. Comedian Rob Brydon has had a breakdown. He was seen in Holbeck Ghyll doing Scooby-doo. In this footage sent by a dinner Steve Coogan is seen trying to restrain him.

Rob : Steve Coogan, remember him, is seen trying to restrain…

Steve : Bafta award winning Steve Coogan is seen trying to restrain…

Rob : Bafta award nominated Steve Coogan…

Steve : Bafta award nominated as he babbled on incoherently.

Comédien inoffensif vs comédien d’auteur

Ahh la fabuleuse carrière de Steve quand il aime a rappeler qu’il a travaillé avec Jarmusch quand Rob lui soutient qu’il pourrait être un bon acteur de biopic sans être aussi bon que Michael Sheen. Steve jaloux, rêve d’une grande carrière dramatique mais se dit souvent gêné dans ses plans par Michael Sheen et Geoffrey Rush, deux acteurs très talentueux certes m’enfin ‘je peux faire mieux qu’eux’. Exploitant habilement l’image du comédien à l’égo et la jalousie très prononcés Steve tente souvent de faire bonne figure quand Rob assume complétement ses hauts et ses bas. Chaque moyen est bon pour se flatter avec l’hilarant passage dans le cimetière où Steve s’imagine prononcer l’éloge funèbre de Rob sans oublier de vanter sa propre réussite. Ou sur le chemin du retour à la fin de la saison 1, Steve met au défi Rob de faire 3 octaves, Rob étale son immense talent de chanteur et quand Steve se lance c’est dégueulasse. Alors qu’il se marre encore de sa dernière note massacrée il recommence à faire la gueule lorsque Rob annonce sa victoire. Mine de rien il faut du courage pour développer à l’extrême et rire des pires penchants sans franchir la limite de la pure méchanceté. A ce jeu Rob s’avère ainsi bien plus grinçant qu’il n’en a l’air en retranchant Steve dans les pires travers. Est-ce cruel ? Non car chacun gagne. Steve peut sembler très violent à jouer les types agacés et désagréables mais c’est mal connaître Rob, qui loin de passer pour la victime, taquine voir creuse dans les côtés les plus sombres de Steve.

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Bon y’a ça aussi…

Why they always say « Gentlemen to bed, for tomorrow we leave at daybreak »

« Gentlemen to bed for we leave at 8:OO 8:30 »

« Gentlemen to bed for we leave at 10-ish. »

« Sleep well my brothers »

« Sleep well my sisters. Sleep with my sisters »

« Sleep well my brothers but please don’t sleep with my sister ».

Une comédie hilarante grâce aux digressions idiotes de ces deux gamins

Je tiens à préciser que le propos n’est jamais lourd, vous pouvez très bien apprécier The Trip pour ce qu’il est, une excellente comédie, sans vous perdre dans toutes ces références. C’est jouissif de voir ce genre de délire interminable que l’on a entre amis atteindre l’excellence. Capables d’une répartie tantôt cinglante ils peuvent partir dans des digressions aussi connes qu’absurdes comme lors de cette scène culte où Rob et Steve s’amuse du cliché du film en costumes (vidéo ci-dessus). L’humour est aussi brillant par la justesse de leur jeu que leur imagination et parfois c’est un gag des plus simples et débiles qui débarque et nous emporte. Un poil moqueur lorsqu’ils imitent Michael Caine et les incompréhensibles Christian Bale et Tom Hardy (1ère vidéo), leurs répliques et leurs vannes sont loin d’être condescendantes, Rob et Steve sont sublimes de vacheries et de tendresse. Les scènes coupées (2ème et 6ème vidéo) sont tout aussi drôles que le résultat final. Pour tout vous dire j’ai re-découvert Steve avec The Trip que je désirais surtout voir pour Rob. Steve est un comédien de génie qui s’est souvent caché derrière une multitude de perruques plus ou moins avantageuses et des mimiques qui le rendent méconnaissables, j’ai retrouvé un type vaguement aperçu dans de gros films américains et comme vous avez pu le constater ça a été une révélation ! Lui et Rob sont des types naturellement drôles qui n’ont pas besoin d’en faire 3 tonnes pour un misérable gag. Ils passent de la reconstitution historique à la moquerie et tout s’enchaîne avec une fluidité remarquable. The Trip est un exercice périlleux impardonnable et parfaitement incarné par deux comédiens aussi inventifs que rigoureux.

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Découverte d’un fromage espagnol, le Manchego cheese

Rob : « Sounds like a spanish actor »

Steve à Rob : « If you’re a spanish actor you’d be called Manchego cheese ».

Une jolie ballade

Si les gamineries de Rob et Steve sont au centre ce Trip n’oublie pas pour autant de rendre hommage au pays visité. Si la caméra s’attarde peu sur les assiettes, nos deux comédiens n’y connaissent pas grand chose, leur plaisir est communicatif. Les paysages sont, eux, à couper le souffle. J’ai été agréablement surprise par la beauté du nord et la région des lacs, avec ces collines comme intactes depuis des siècles et les montagnes reproduisant le mouvement des vagues. J’en avais entendu parler bien sûr mais à l’écran ces contrées réveillent l’imaginaire. Même chose en Italie avec des panoramas au coucher du soleil. La mer infinie et les falaises m’ont transportées jusqu’à l’apothéose de cette sublime vue depuis un belvédère à Capri. Comme je le disais la nourriture n’est pas plus mis en valeur malgré des repas qui occupent plus de la moitié des épisodes. Vous trouverez sur le dvd de la 1ère saison un petit bonus de 8 minutes sur la préparation des plats. Les restaurants anglais tentent une approche novatrice et très haute gastronomie quand les adresses italiennes font saliver par leurs assiettes colorées aux ingrédients simples. Sur les traces des poètes voyageurs on découvre quelques anecdotes et domiciles, rien de vraiment instructif mais qui nourrit l’atmosphère des lieus. De même qu’on apprend quelques informations sur les paysages sans que The Trip ne se transforme en guide de voyage et en cela la série laisse une grande place à la contemplation. Sur la vidéo au dessus Steve se fait emmerder pendant sa promenade après avoir lui-même abreuver rob des mêmes détails et curieusement Steve n’aime pas ça. C’est ce qu’on appelle être de mauvaise foi ou quand la promenade retrouve le chemin de la comédie.

Si The Trip vous intéresse sachez qu’il s’agit bien d’une série de 2 saisons. Pour les besoins du marché américain chaque saison a été découpée en un film, alors si vous désirez acheter le coffret précisez bien dans vos recherches ‘The Trip Tv Edition’.

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Steve évoque les implants capillaires de Rob et forcément ça le fait rire

Imaginé par Michael Winterbottom, Rob Brydon et Steve Coogan. Réalisé par Michael Winterbottom. 2010 –   . 2 saisons, 12 épisodes de 30 minutes.

Gifs trouvés sur le Tumblr d’une grande fan de Steve : just-an-average-fuck-up

Tournage de la 3ème saison en cours en Espagne (posté par Rob Brydon sur Twitter) :

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Retrouvez sur mon blog un portrait/hommage à Steve Coogan – L’observateur obsessionnel https://dismoimedia.com/2016/10/20/portrait-de-steve-coogan-lobservateur-obsessionnel/


12 réflexions sur “The Trip (BBC) – Du génie tout simplement

  1. Je ne savais pas du tout que c’était une série ! D’ailleurs je pensais qu’il n’y avait qu’un seul film… Bref, j’avais tout faux x)
    Ça fait plusieurs années que ça traine dans ma liste de trucs à regarder, il serait temps que je me lance haha. En tout cas ta critique (très complète) me donne très envie de le voir ! 🙂

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  2. Ahaha celle-là aussi je dois la regarder ! J’ai pris connaissance de cette série à l’occasion de la sortie du film – très peu et mal distribué en France – et rien que le sujet + le duo me donnent envie de me lancer. Et puis la seconde saison avec l’Italie, wooow ça fait rêver !!! 😀

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    1. Le film est passé inaperçu mais il a au moins été diffusé et pris un peu trop au 1er degré. Je ne les connaissais pas à l’époque et j’avais encore rien vu mais quand j’ai entendu les critiques du Cercle j’étais persuadée qu’ils étaient passés à côté. Va comprendre… Et t’as vu le film finalement ? Rahhh les paysages de la 2ème saison compenseraient presque un Steve beaucoup trop aimable. Il est tellement chou dans la 1ère saison à envoyer chier la terre entière (et au fond on se pose tous la même question : pourquoi les vieux sont toujours aussi zélés ? https://www.youtube.com/watch?v=ZPMoyBZLF1w avec le plan où Rob sourit au 1er plan et Steve fait la gueule au second est le meilleur des résumés).

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      1. Comme tu le dis, c’est déjà bien qu’il ait été diffusé ! Presque un miracle !
        Ahahah Le Cercle, ça ne m’étonne même pas de leur part !

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      2. Et ils ont osé la VF pour le 1er ‘film’ mais comment tu doubles des imitations idiotes ? Les acteurs ont du halluciné 😀
        Elle était quand même sympa cette émission 😀 avec des avis qui partent dans tous les sens. Remarque c’était pareil pour Philomena, après en France le comédien a mauvaise presse, on a moins l’occasion de voir un comédien abattre autant de travail.

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      3. L’avantage de cette émission était qu’elle restait assez accessible et puis des émissions de cinéma, y en a pas des masses. Après la condescendance de certains journalistes (qu’on retrouve dans la presse écrite) a fini par m’agacer.
        Finalement on en revient toujours à la même chose : on ne s’intéresse qu’au cinéma américain. Même quand on parle d’anglais, il faut que ce soit des anglais qui ont réussi en Amérique.

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      4. C’est les mêmes qu’en presse écrite et au Masque et la plume 😀 Exact, pourquoi ce mépris ? Pourtant les rares fois où tu entends parler d’un anglais resté au pays il reçoit des compliments dithyrambiques et puis rien ! Y’a une consigne éditoriale derrière ou quoi ?

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