Utopia ou l’ultra-violence esthétisée

Utopia

 

Utopia une mystérieuse bd aux dessins torturés, condamnent ses lecteurs à une mort certaine. A leurs trousses un tueur à gage neurasthénique, à ses côtés un dandy, spécialiste de la torture. Les quatre habitués d’un forum sont forcés de fuir face à une menace inconnue à la puissance insoupçonnée.
Utopia - Adeel Akhtar
Adeel Akhtar

Difficile de parler d’Utopia sans spoiler tant l’intrigue part de quasiment rien pour aboutir à la découverte d’une machination impitoyable aux ramifications infinies.

Vous pensiez avoir compris, tentez de dresser la liste des alliés et des traîtres, pourtant chaque épisode s’attarde à démonter vos certitudes. Laissez vous emporter dans un monde d’imposture, de dévouement et de lâcheté. Ni bons ni méchants chaque camp possède ses partisans tombés là par intérêt ou contrainte. La plongée au coeur de l’univers paranoïaque et conspirationniste s’accompagne d’un tourbillon d’ultra-violence. Sans aucune limite l’intrigue égrène un nombre incalculable de morts. On comprend rapidement la précarité de chaque existence.
Utopia - Alexandra Roach, Emilia Jones, Nathan Stewart-Jarrett, Paul Higgins
Alexandra Roach, Emilia Jones, Nathan Stewart-Jarrett, Paul Higgins
A la réalisation impeccable s’ajoute une direction artistique originale et irréprochable qui confine au chef-d’œuvre (n’ayons pas peur des mots). Il ne s’agit pas seulement de cadrage parfait et d’une photo maîtrisée, Utopia va plus loin en proposant une expérience dans une quête d’identité unique. Les couleurs légèrement saturées offrent au paysage cette impression d’envahissement, presque d’écrasement. Les personnages évoluent entre des aplats de couleurs et des lignes de fuite. Les intérieurs s’imposent par des perspectives et une immensité qui rend la violence si intense. Quelques tentatives à contre-jour et des rayons de soleil qui se répercutent en rond sur la lentille de la caméra  sont certes ratées mais louables. En somme Utopia inaugure une nouvelle esthétique de la violence, elle résonne dans les grands espaces et explose littéralement dans toute son horreur et sa tension. Les paysages se projettent hors du temps, assourdissant, écrasant où l’histoire aurait envahit et annulé toute autre forme de vie, toute possibilité d’échappatoire.
Au service de cette plongée dans l’angoisse un casting exceptionnel. En tête Neil Maskell, tueur à gage d’une rare épaisseur psychologique à l’interprétation parfaitement ambigüe. Les performances allient une personnalité tout en finesse et un physique à l’épreuve. Le malheureux Dugdale (Paul Higgins), pion en souffrance se perd dans la confusion sous des dehors de costume froissé. Les lecteurs en errance sont loin des héros habituels, ils n’ont pas le charisme et  la force que se forge les victimes en à peine quelques instants par des scénaristes en mal d’inspiration. Excepté pour la comédienne Fiona O’Shaughnessy, transformée par les épreuves en statue de cire, est l’archétype de ces machines de guerre à qui rien ne résiste.

Utopia ne serait par parfait sans cette bande-son de Cristobal Tapia de Veer au rythme lancinant, envoûtant.

Utopia est un chef-d’oeuvre. Elle rappelle qu’une série peut aussi être capable d’art et de création. Malheureusement Channel 4 a annoncé son annulation après 2 saisons et 12 épisodes faute d’audience. Assurément la série marque un tournant. Un remake sur la chaîne américaine HBO est actuellement en préparation.

Je tiens à remercier Fedora pour cette merveilleuse découverte !

Créée et écrite par Dennis Kelly, dirigée par Marc Munden. Produit par Rebekah Wray-Rogers. Diffusée en France sur Canal + Séries.

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11 réflexions sur “Utopia ou l’ultra-violence esthétisée

  1. Excellent ! j'allais commenter en te disant que, pour moi, c'était LA série à voir… Et puis, je vois mon nom en fin d'article 🙂 Je suis contente que tu aies aimé… je pense qu'on ne sort pas tout-à-fait indemne d'Utopia… Qu'on aime ou pas, c'est juste, comme tu dis, un chef-d'oeuvre…

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  2. Je n'ai vu que la saison 1 pour le moment, j'ai bien aimé, la série est super originale, le visuel et la musique également. Cependant j'hésite à commencer la saison 2, est-elle à la hauteur ?! Il va falloir que je me lance.

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  3. @fedora ça remue bien les tripes et bizarrement ça fait du bien. Une plongée dans l'esprit malfaisant de l'homme au service des intérêts pécunier ne peut que nous bouleverser. Utopia est fidèle à ses aspirations et ce jusque bout, ta dernière le confirme, j'espère que cette série deviendra un indispensable à étudier.

    @Girlie Cinéphilie Fonce ! Comme le dis fedora c'est une grande et magnifique claque ! Encore merci ^^

    @Spoilers by MElo les révélations et les retournements de situation dans la saison 2 sont impressionnants. Le premier épisode, inattendu, inaugure une saison d'explications, tant sur les personnages que sur l'intrigue, absolument passionnantes. Je tiens à préciser que le final, bien qu'il n'était pas destiné à boucler la série est tout de même satisfaisant. Il est très ambitieux de se lancer dans un univers aussi riche et le pari est parfaitement réussi. N'hésite pas et lance toi !

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    1. Oh ça me fait plaisir ! Le travail sur les lignes de fuite et l’absence d’échappatoire est épatante ! L’école et ses deux portes, l’extérieur est là à portée de main, les lignes des murs et du plafond y mènent et pourtant il est impossible de les rejoindre. Et dire que la France ne lui a pas offert une exposition digne de ce nom. L’Zngleterre aussi l’a snobé, au dernier BAFTA une seule nomination pour wilson wilson…

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      1. En même temps, je comprend: si Wilson Wilson est un personnage formidable (mon préféré de la série pour l’instant), je pense que la violence assez frontale de la série n’est pas trop du goût des télés françaises, ni l’audace du scénario qui touche à des sujets particulièrement sensibles en ce moment (quand on voit la peur face à la vaccination d’une partie de la population actuellement, on se dit que là, ça tournerait vite à la grosse parano). Mais vraiment, c’est incroyable de voir une telle qualité visuelle et sonore à la télévision, alors que ce n’est plus si fréquent au cinéma: le choix de la saturation, des plans d’ensemble très bien construits, au point où même les espaces extérieurs deviennent anxiogènes, et l’artwork sublime de la bd. Et les personnages sont formidables: il n’y a pas de jugements portés sur eux, et on finit par avoir de l’empathie pour presque tous. Pour certains, c’est tout de même un vrai tour de force

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      2. Ni les spectateurs ni les dirigeants ne sont assez murs pour ce genre d’oeuvre, triste… Et tu as raison le traitement de la thématique est magistral, et surtout ultra-contemporain sans poser de marqueurs actuels trop forts. Un vrai travail d’orfevre, j’imagine leur frustration le jour de l’annulation. Je crois que je n’ai jamais été autant sonnée par les twists et révélations. Je ne précise rien car je ne sais plus dans quelle saison elle apparait mais une m’a beaucoup marqué, je ne pensais pas un seul instant qu’il réponde à la question principale. Pour la bande-son je crois qu’elle est dispo, d’ailleurs je me repasse souvent le générique final sur Spotify !
        Et le cas de Wilson est une merveille ! On finit limite par le comprendre.

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    2. Oh ça me fait plaisir ! Le travail sur les lignes de fuite et l’absence d’échappatoire est épatante ! L’école et ses deux portes, l’extérieur est là à portée de main, les lignes des murs et du plafond y mènent et pourtant il est impossible de les rejoindre. Et dire que la France ne lui a pas offert une exposition digne de ce nom. L’Zngleterre aussi l’a snobé, au dernier BAFTA une seule nomination pour wilson wilson…

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